Le harcèlement moral se produit lorsqu’une personne relevant d’une société commet envers un salarié ou un dirigeant des actes fautifs, répétés et délibérés ayant pour objet ou pour effet soit de fragiliser sa santé physique ou psychique, soit de porter atteinte à sa dignité ou à ses droits, soit de diminuer les conditions de travail ou de porter préjudice à son avenir professionnel.
En tant que chef d’entreprise, un employeur a l’obligation d’assurer à ses salariés des conditions de travail normales et il lui incombe une obligation de protection, sécurité et santé, découlant notamment de la nécessité d’exécuter de bonne foi le contrat de travail
La personne du harceleur peut être l’employeur ou son représentant, mais aussi un collègue de travail ou un supérieur hiérarchique.
Même si l’employeur n’est pas à l’origine des actes de harcèlement sur le lieu de travail, sa responsabilité en tant que chef d’entreprise pourra quand-même être engagée s’il omet de prendre des mesures adéquates pour faire cesser les faits de harcèlement moral, à condition bien sûr qu’il ait connaissance des actes de harcèlement. Le salarié doit lui rapporter les faits de harcèlement moral dans les termes suffisamment précis et s’en préserver la preuve.
Qu’en est-il si l’employeur est à l’origine des actes de harcèlement ?
En effet, la notion de harcèlement moral rencontre des difficultés à s’imposer devant les juridictions luxembourgeoises du travail, puisque la charge de la preuve incombe toujours à la victime qui doit donc rapporter la preuve de ce qu’elle a vécu de manière particulièrement précise. Il est renvoyé à un article intitulé « Le harcèlement moral » des mêmes auteurs, publié en 2015.
C’est la raison pour laquelle il est impérativement conseillé à un salarié qui se sent mal au sein de son entreprise employeuse de noter/décrire tous les jours, de façon précise en mentionnant la date et les personnes concernées et impliquées (ainsi que les éventuels témoins), le phénomène de harcèlement moral ressenti pour, en cas de nécessité, avoir un document à disposition à présenter en cas de litige, partant du principe que « la précision crée la preuve » et évitant ainsi de se présenter devant un tribunal en affirmant simplement « j’ai été harcelé ».
Ainsi, dans une affaire de harcèlement moral, la Cour d’appel avait admis la salariée, qui se prétendait victime d’actes de harcèlement, à prouver par témoins ses reproches vis-à-vis de son employeur concernant :
- le dénigrement d’une responsable, salariée, à laquelle l’employeur reprochait, devant des collègues et des tiers, d’être trop payée pour ce qu’elle faisait ;
- le fait que l’employeur ignorait l’employée tout en critiquant les dossiers gérés par elle ;
- le fait que l’employeur était allé assez loin puisqu’en public, il lui a demandé « si elle était folle » ou encore lui a dit qu’elle « était d’un niveau de trottoir ».
Lors des enquêtes, les témoins avaient été explicites sur les faits reprochés et la Cour d’appel a estimé dans son arrêt du 14 juin 2018 (portant le n°41981 du rôle) que « Au vu de l’ensemble des témoignages accablants, directs, précis et pertinents, [la salariée] a établi avoir fait l’objet d’un harcèlement moral sur plusieurs mois de la part de son employeur qui l’a rendu malade, de sorte que les arguments avancés par [l’employeur], notamment concernant la situation dans le temps du harcèlement, les différentes périodes de congés donc d’absence de témoins de l’agence, le rejet du témoignage d’un témoin prétendument indirect, l’imprécision des différents témoignages et l’interprétation subjective par [l’employeur] des déclarations des témoins, pour contrer la réalité du harcèlement moral, respectivement le minimiser sont dénués de fondement. ».
La Cour d’appel en a conclu que « Compte tenu de ce harcèlement avéré qui a porté atteinte à la santé de la salariée qui actuellement est rétablie et heureuse de retravailler, l’employeur a failli à son obligation d’assurer la santé de sa salariée au travail, respectivement à son obligation d’exécuter de bonne foi le contrat de travail, et est partant tenu de l’indemniser du préjudice subi en conséquence. » et a évalué ce préjudice à la somme de 5.000,-EUR.
Il faut noter qu’en première instance, le Tribunal du travail avait retenu dans son jugement du 2 décembre 2014 que « la salariée n’avait pas prouvé ni l’intention malicieuse de l’employeur de son action, ni un préjudice résultant pour elle de l’exercice de cette action ».
LAW CAIRN – Girault & Godart