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La jurisprudence évolue vers une protection … Lisez jusqu’à la fin !

Par un cautionnement, un tiers (dénommé « la caution ») s’engage à payer pour le compte du débiteur principal les obligations découlant d’un contrat si celui-ci venait à ne pas honorer sa dette issue du contrat conclu avec son créancier.

Il peut s’agir de tout type de dette, telle qu’une dette issue d’un contrat de bail, une dette bancaire, un crédit à la consommation, (etc…).

L’article 2013 du Code civil prévoit que le cautionnement ne peut être supérieur à la dette du débiteur principal, ni être contracté à des conditions plus onéreuses.

Il en découle que le cautionnement peut être donné pour une partie de la dette seulement, respectivement, sous des conditions moins onéreuses.

Cependant, comme le cautionnement ne se présume point, lors de l’appel à garantie (demande de garant), la caution devra vérifier qu’elle est toujours tenue.

Il sera également fait référence ci-dessous à des jurisprudences françaises étant donné que la genèse légale est la même au Grand-Duché de Luxembourg qu’en France, même si, pour le formalisme, certaines différences existent.

 

  • L’acte de cautionnement à durée déterminée

Un cautionnement à durée déterminée ne pourra en principe pas être dénoncé, sauf pour les parties à prévoir expressément dans l’écrit un terme extinctif.

Par exemple, un dirigeant d’une société peut prévoir d’être caution d’une dette de la société jusqu’à « la dénonciation de son engagement et seulement pendant la période d’exercice de sa gérance ».

De plus, une caution donnée pour garantir l’exécution d’un contrat à durée déterminée n’est pas tenue si la relation contractuelle entre le créancier et le débiteur principal est prorogée et lorsque des obligations nouvelles sont ajoutées (Cassation commerciale, 3 avril 2013).

Il y a donc une distinction à faire entre la simple prorogation du terme de l’obligation principale garantie et la novation.

La simple prorogation du terme du contrat donne un délai supplémentaire au débiteur principal, et donc à la caution.

En revanche, s’il y a novation, c’est-à-dire mise en place de nouvelles modalités et conditions, la caution sera libérée, alors qu’en cas de novation, une obligation est éteinte et remplacée par une obligation nouvelle.

Exemple : Monsieur X conclut un contrat de prêt pour quatre ans. Un acte de cautionnement est signé par lequel la caution s’engage à garantir l’exécution du contrat par Monsieur X au profit du prêteur.

A l’échéance du prêt, si le débiteur principal n’a pas remboursé, la caution pourra être appelée en paiement en ses lieu et place.

Si le prêteur accorde un délai supplémentaire de six mois à Monsieur X (le débiteur principal), la caution sera également tenue au-delà du terme initialement convenu de quatre ans puisque le délai supplémentaire de six mois ne fait que proroger l’échéance du contrat.

Attention, le prêteur peut prévoir, dans l’acte de cautionnement, qu’à l’échéance du contrat avec Monsieur X, les modalités pourront être modifiées dans des conditions qui devront alors être précisées.

La caution peut se protéger, par exemple, en prévoyant dans l’acte de cautionnement que d’éventuelles prorogations ne lui seront pas opposables. Pour ce faire, l’acte de cautionnement doit alors le prévoir expressément.

En droit, cela revient à distinguer l’obligation de couverture de l’obligation de règlement.

 

  • L’obligation de couverture et l’obligation de règlement

Ainsi, la caution couvre les dettes du débiteur principal qui apparaissent entre la date de l’engagement et l’échéance du contrat (obligation de couverture) mais elle reste obligée de payer les dettes qu’elle a expressément garanties après le terme du cautionnement, si le débiteur principal ne paye pas ou tant que celui-ci n’aura pas payé (obligation de règlement).

Exemple : Monsieur X cautionne le prêt de 1.000,-EUR avec intérêts d’un de ses amis, le débiteur principal, pour une durée de trois ans (acte de cautionnement à durée déterminée sur trois ans)

A l’échéance des trois ans, Monsieur X est débiteur des 1.000,-EUR (augmentés des accessoires) mais sera tenu envers le créancier au-delà de l’échéance, pour la durée de la prescription qui s’applique pour le recouvrement si le montant n’a pas été remboursé par le débiteur principal.

En revanche, si la dette principale engendre des frais supplémentaires, après le terme du cautionnement, Monsieur X ne sera pas tenu de ces frais supplémentaires.

En d’autres termes, la caution est tenue, après l’extinction du cautionnement, des dettes nées pendant la période du cautionnement, même si elles ne sont devenues exigibles qu’après la fin du contrat de cautionnement (il est en revanche toujours possible d’exclure ce cas de figure en le spécifiant au contrat).

Il en résulte qu’après l’échéance du contrat de cautionnement, la caution reste donc tenue de garantir (obligation de règlement) :

  • Les dettes qui sont nées et devenues exigibles entre la signature de l’acte de cautionnement et la fin de l’acte de cautionnement ;
  • Les dettes qui sont nées entre la signature de l’acte de cautionnement et la fin de l’acte de cautionnement et qui sont devenues exigibles après la fin du cautionnement.

Par contre, après l’échéance du contrat de cautionnement, la caution n’est pas tenue de garantir d’autres dettes (qui ne sont pas garanties dans le contrat de cautionnement) qui ne naissent qu’après la fin du cautionnement (obligation de couverture).

« La clause du cautionnement garantissant un prêt d’une durée de 8 ans, qui prévoit que l’engagement de la caution est limité à quatre années à partir du décaissement des fonds, a pour seul effet de limiter la garantie de la caution au temps convenu par les parties et non d’imposer au créancier d’engager contre elle ses poursuites dans le même délai. Lorsque la durée de l’engagement est limitée, le créancier peut donc poursuivre la caution jusqu’à l’expiration du délai de prescription (10 ans pour les commerçants et 30 ans pour les civils) qui commence à courir du jour où l’obligation principale est exigible ».

 

  • L’acte de cautionnement à durée indéterminée et cautionnement d’un contrat à exécutions successives

Les choses se compliquent lorsque le cautionnement est donné pour un compte bancaire, par exemple, qui a une durée de vie non limitée dans le temps.

Il sera alors important pour la caution, avec le temps, de ne pas oublier cet engagement pris.

La caution a, par contre, la possibilité de dénoncer son cautionnement. Du fait de l’obligation de couverture, elle sera liée et obligée de rembourser le montant débiteur au jour de la dénonciation du cautionnement si le compte n’a pas été entre-temps crédité.

En revanche, si le débit du compte bancaire devient plus important après la dénonciation du cautionnement, elle ne sera théoriquement pas tenue de la différence.

Pour un compte courant, par exemple, l’obligation de couverture sera éteinte à l’échéance prévue dans l’acte de cautionnement en cas de cautionnement à durée déterminée, respectivement à la date de dénonciation en cas de cautionnement à durée indéterminée.

La caution est alors tenue à hauteur du solde provisoire au jour du terme, sous déduction des remises en crédit postérieures qui s’imputent sur ce solde (Cassation, 19 octobre 1998, Versailles).

Dans un contrat à exécutions successives, comme par exemple un contrat de bail, si dans l’acte de cautionnement une durée plus courte que celle du contrat de bail est fixée, cela signifierait que l’obligation de payer ne vise que l’obligation de couverture aux échéances de loyers antérieurs à l’expiration du terme fixé dans l’acte de cautionnement.

A l’inverse, si la durée du cautionnement est supérieure à celle du contrat principal, le Tribunal décidera, en l’absence de clauses claires, que la durée du contrat de cautionnement dépassant la durée du contrat principal correspond alors à l’obligation de règlement. Il a été jugé ainsi pour la durée d’un contrat de cautionnement qui était de 60 mois, alors que la durée du crédit-bail n’était que de 48 mois.

En d’autres termes, les 60 mois correspondent à l’expiration de l’obligation de règlement.

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En conclusion, il est donc évident qu’il ne faut pas uniquement faire attention au moment de la signature d’un acte de cautionnement mais également, au moment où appel est fait de la caution, alors qu’il y a lieu de vérifier que le débiteur principal soit toujours juridiquement tenu.

Une caution aura trop facilement tendance à croire que si elle a donné son cautionnement pour une durée limitée, au jour de la fin du cautionnement, elle ne sera plus tenue à rien, ce qui n’est pas le cas en raison de l’obligation de règlement, tel que développé ci-dessus.

En revanche, un créancier aura tendance à faire appel à une caution au-delà des engagements pris (par exemple, pour des dettes nées après l’échéance de l’acte de cautionnement, ce qui n’est pas possible en raison de l’obligation de couverture, tel que développé ci-dessus).

Les solutions simples exposées ci-dessus ne sont pas si évidentes puisqu’elles ont fait l’objet de nombreuses jurisprudences, les juridictions ayant de plus en plus tendance à interpréter les textes en faveur du consommateur ou de la partie signataire la plus faible.

Les conditions d’application de la loi et l’analyse ne sera pas faite de la même manière selon que la caution est commerçante ou non et que le cautionnement est utilisé pour les besoins de l’activité commerciale de la caution elle-même.

A noter, une tendance vers une protection accrue de la caution.

Une décision de la Cour de Cassation du 21 janvier 2016 révolutionne quelque peu la matière en ce sens qu’elle a estimé que le créancier, banque du débiteur principal, a l’obligation d’information et de conseil précontractuelle à l’égard de la caution de son client et qu’il ne lui suffit pas d’invoquer un consentement éclairé.

 La caution doit être mise en mesure de déterminer la nature et la portée de son engagement en tant que caution.

 En l’espèce, il s’agissait pourtant d’un cautionnement commercial étant donné que la caution était un administrateur de sociétés, s’étant engagé à cautionner, pour des montants très importants, les dettes d’une société (cliente de la banque) qui, par la suite, a fait faillite.

 L’affaire, renvoyée devant la Cour d’appel, a débouté la caution mais la réflexion évolue.

 Il ressort des développements ci-dessus qu’avant de s’engager en tant que caution, il y a lieu de définir précisément les limites, notamment temporelles, de la garantie dans l’acte de cautionnement.

 

LAW CAIRN

Isabelle GIRAULT – Aline GODART

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