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La plupart des compromis de vente relatifs à l’acquisition d’un bien immobilier sont conclus sous la condition suspensive de l’obtention d’un prêt par l’acheteur auprès d’un établissement financier luxembourgeois endéans un délai fixe.

Cette condition suspensive enfermée dans un délai fixe est notamment prévue dans l’intérêt de protéger tant le vendeur du bien immobilier que l’acheteur de ce bien.

En effet, elle est stipulée «en faveur des acquéreurs qui doivent s’assurer du financement de leur projet immobilier et ont intérêt à suspendre les effets de la vente jusqu’à l’obtention du financement de l’achat par une banque afin d’éviter de s’engager à une obligation qu’ils ne sauraient honorer; également en faveur des vendeurs et cela à double titre : ceux-ci ont d’abord intérêt à contracter avec un client dont la solvabilité est garantie par le crédit bancaire; ensuite la stipulation d’un délai précis endéans lequel la condition suspensive doit s’accomplir permet aux vendeurs d’être fixés sur le sort du contrat endéans le délai convenu entre parties et leur permet d’éviter une indisponibilité durable de leur maison» (TA, XVIIème chambre, 27 janvier 2016, numéro 164955 du rôle).

Ensuite, les compromis de vente relatifs à l’acquisition d’un bien immobilier stipulent normalement également une clause pénale pour le cas d’une rétractation fautive d’une des parties signataires.

Une clause pénale se définit comme «la stipulation contractuelle par laquelle les parties fixent à l’avance et de manière forfaitaire la somme d’argent qui sera due par le débiteur dans le cas où il n’exécuterait pas comme convenu son obligation» (TA, XVIIème chambre, 28 janvier 2009, numéro 113990 du rôle; TA, VIIIème chambre, 8 juin 2022, numéro TAL-2020-06457 du rôle).

Il se pose alors la question de savoir si un vendeur est en droit de demander à l’acheteur l’indemnité forfaitaire (souvent 10% du prix de vente) prévue dans la clause pénale du compromis de vente dans le cas où l’acheteur ne l’aurait pas informé dans le délai prévu par la clause suspensive de l’octroi ou non d’un prêt.

Sur base de l’article 1178 du Code civil, la jurisprudence luxembourgeoise impose à l’acheteur, qui s’est engagé sous la condition suspensive de l’obtention du crédit pour le financement de l’immeuble, une véritable obligation de coopération loyale en vue de la réalisation de la condition de l’obtention d’un crédit : L’acheteur est, dès lors, obligé à entreprendre tout son possible pour que l’opération (la vente) puisse aboutir et il lui appartient d’établir qu’il a accompli les diligences nécessaires, la charge de la preuve pesant partant sur l’acheteur (CA, 5 juillet 2006, Pasicrisie 33, p.269; TA, Xème chambre, 15 juin 2018, numéro 178598 du rôle).

Il appartient, par conséquent, à l’acheteur de démontrer qu’il a sollicité un prêt conforme aux caractéristiques du bien immobilier, telles que décrites dans le compromis de vente.

Il ne suffit pas de rapporter tout simplement la preuve qu’une demande de prêt a été faite, mais il faut encore que l’acheteur démontre qu’il a déposé sa / ses demande(s) en obtention d’un prêt endéans un délai raisonnable pour que la condition puisse s’accomplir endéans le délai fixé dans la clause suspensive du compromis de vente.

Par contre, dans le cas où l’acheteur n’arriverait pas à prouver qu’il a mis en œuvre tous les moyens pour que la condition s’accomplisse et que la défaillance de la condition ne trouve donc son origine dans sa faute, l’acheteur n’est pas nécessairement redevable de la somme stipulée dans la clause pénale alors que d’un côté, il faut examiner en détail les termes dans lesquels est rédigé la clause suspensive de l’obtention d’un prêt ainsi que les raisons convenues entre les parties signataires du compromis de vente pour actionner la clause pénale.

A titre d’illustration, le Tribunal d’arrondissement a retenu que la condition suspensive tenant à l’obtention d’un crédit bancaire par la société acquéreuse n’a pas été respectée et que cette société a manqué à son obligation de faire tout son possible pour que l’opération aboutisse et a donc constaté que le compromis de vente a été résolu de plein droit par la faute de la société acquéreuse.

En revanche, le Tribunal d’arrondissement n’a pas fait droit à la demande du vendeur ayant réclamé à la société acquéreuse le paiement de la clause pénale prévue dans le compromis de vente, représentant 10% du prix de vente, alors que le compromis de vente avait notamment été résolu en raison du non-respect de la clause suspensive, n’ayant pas consisté en une raison permettant d’appliquer la clause pénale (TA, VIIIème chambre, 8 juin 2022, numéro TAL-2022-06457 du rôle), qui a été rédigée dans les termes suivants :

«En cas de résiliation de la présente par l’une ou l’autre des parties pour une raison autre que celles figurant dans les clauses suspensives, une peine conventionnelle de 10% du prix de vente est à verser à la partie lésée».

Dans un autre cas d’espèce, les acheteurs avaient plaidé d’avoir rempli leur obligation de coopération loyale afin que la condition puisse se réaliser en se prévalant d’avoir valablement et régulièrement informé les vendeurs des demandes de prêts en cours ainsi que des refus intervenus, ce par des appels téléphoniques.

A côté du fait que les vendeurs avaient formellement contesté avoir été informés téléphoniquement des refus des demandes de prêt ainsi que des demandes de prêts effectuées et à côté du fait que les acheteurs n’avaient fourni aucun élément permettant de déduire le contenu des conversations téléphoniques, le Tribunal d’arrondissement a souligné que les termes de la clause suspensive étaient très clairs en ce sens que la clause prévoyait expressément l’obligation de présenter au vendeur la lettre d’acceptation, respectivement, de refus de prêt et que si l’acheteur ne présenterait pas l’une des prédites lettres, le compromis sera considéré comme résolu et le montant prévu dans la clause pénale devra être versé au vendeur.

Le Tribunal d’arrondissement a dès lors rejeté l’argumentation des vendeurs tendant à les faire admettre à prouver qu’ils ont suffi à leur obligation de coopération en ayant informé les vendeurs par voie téléphonique de l’avancement des demandes de prêt au motif que « il faut souligner que l’obligation de présenter la réponse écrite au vendeur renforce les garanties données à ce dernier, en ce qu’elle le met à l’abri d’éventuels mensonges (oraux) d’un acquéreur de mauvaises foi. » (TA, XVIIème chambre, 27 janvier 2016, numéro 164955 du rôle).

Le Tribunal d’arrondissement a, dès lors, décidé que le fait des parties acquéreuses de ne pas avoir présenté aux vendeurs une lettre de refus ou d’acceptation d’une banque dans le délai stipulé dans la clause suspensive entraîne la résolution du compromis à leurs torts et les a condamnés au paiement du montant de la clause pénale.

Il faut retenir de ce qui précède que les parties contractantes à un compromis de vente doivent toujours veiller à exprimer et donc à rédiger tant la clause suspensive de l’obtention d’un prêt que la clause pénale de manière claire et sans équivoque alors qu’en vertu de l’article 1156 du Code civil, il faut toujours, dans les conventions, rechercher quelle a été la commune intention des parties et un pouvoir d’interprétation est reconnu au juge, dès lors qu’un doute sérieux est révélé sur la concordance de la lettre de la convention avec les intentions des parties (P.Simler, J-Cl. civil, articles 1156 à 1164, Fasc. 20, mise à jour 06, 2015, n°23).

Par conséquent, à partir du moment où la volonté des deux parties est clairement exprimée par la stipulation contractuelle, celles-ci ne doivent pas s’attendre à une mauvaise surprise en cas de litige alors qu’il suffira de s’arrêter au sens littéral des termes.

LAW CAIRN – Girault & Godart

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