Par mesure de protection pour limiter la propagation du COVID-19, les commerces doivent, depuis le mois de mars 2020, faire régulièrement face à des fermetures administratives obligatoires.

Le sort semblait jeter contre les exploitants d’établissement qui subissaient une telle fermeture obligatoire suite aux mesures prises dans le cadre de la lutte contre le COVID-19 suivant un premier Règlement grand-ducal du 18 mars 2020 puisqu’à titre d’exemple, une décision de la Justice de Paix de et à Esch-sur-Alzette du 12 juin 2020 (rép.fisc. n° 956/2020) estimait que

 «L’impossibilité de fournir la jouissance telle qu’elle a été prévue au contrat doit être définitive.

L’épidémie a certes rendu l’exécution du contrat [de bail] plus difficile, mais l’objet du bail existe toujours et il n’y a pas eu impossibilité totale et définitive.

Au vu des pièces versées en cause et des explications fournies à l’audience, il est constant en cause que la fermeture du restaurant était limitée dans le temps et le restaurant a continué à livrer et à offrir le take away ».

Malgré le fait que le locataire invoquait la fermeture obligatoire des restaurants et débits de boissons pour ne pas payer ses loyers, le juge avait, dans le cadre de cette affaire, condamné les locataires au paiement des arriérés de loyer et charges et a prononcé la résiliation du contrat de bail, tout en soulignant que le locataire en question avait déjà accumulé des arriérés de loyer avant la prononciation de la fermeture administrative.

En revanche, plusieurs jurisprudences récentes sont venues changer la tendance en reconnaissant que la fermeture légale de commerces suite à la pandémie COVID-19 constitue un cas de force majeure.

Se pose, dès lors, la question de savoir quelle partie (bailleur ou locataire) doit supporter au final les conséquences et le risque liés à la fermeture obligatoire.

Dans son jugement  rendu le 21 janvier 2021 (rép.fisc. n°204/2021), la Justice de paix de et à Luxembourg a reconnu que  « La fermeture obligatoire des lieux loués constitue dès lors une impossibilité pour le bailleur de fournir la jouissance des lieux loués et qu’il y a partant perte juridique temporaire des lieux loués, de sorte que les preneurs se trouvent, par application de l’article 1722 du Code civil, également déliés de leur obligation de payer le loyer et les charges inhérentes à l’exploitation des lieux. ».

Pour écarter la demande en diminution de loyer du fait de la chute des résultats d’exploitation, le juge a continué « Dans la mesure où pour la période de post-confinement, le bien loué n’a plus été frappé par une mesure de fermeture obligatoire, aucune perte de jouissance ne saurait être invoquée par les parties défenderesses [le locataire] pour s’opposer au paiement. ».

Dans cette affaire, le locataire avait tenté d’invoquer la bonne foi dans l’exécution des obligations pour invoquer une nécessité, vu le contexte économique, de renégocier le loyer.

Le juge a, notamment, conclu que « S’il est vrai que le bailleur doit faciliter à son locataire l’exécution de ses obligations en lui procurant toute la collaboration nécessaire, il n’a cependant aucune obligation de renégocier sur le principe de la bonne foi, la sollicitation du preneur n’ayant aucun caractère contraignant. ».

Une autre décision rendu le même jour par un autre juge de Paix de et à Luxembourg (rép.fisc. n° 197/21) a retenu que

 « […] la fermeture légale du local exploité […] suite à la pandémie de la Covid-19 constitue un cas de force majeure. […] lorsque les circonstances de force majeure rendent impossible ou contrarient la destination prévue au contrat de bail, l’obligation de payer les loyers cesse en tout ou en partie.  […] il convient partant de retenir qu’en cas de perte juridique temporaire des lieux loués, le locataire se trouve également temporairement délié de ses propres obligations envers le bailleur, dont notamment le paiement du loyer et les autres charges inhérentes à l’exploitation des lieux. Il s’agit d’une application classique de la théorie des risques. ».

Ce jugement renvoie notamment à deux décisions de la Justice de Paix de et à Luxembourg rendues le 13 janvier 2021 (rép.fisc. n°94/21) 14 janvier 2021 (rép.fisc. n°124/2021)

Ces nouvelles décisions doivent cependant être interprétées avec précaution alors qu’elles pourraient éventuellement encourir réformation si les bailleurs devaient interjeter appel. De plus, un locataire, qui jouit partiellement de son local pendant la fermeture obligatoire (p.ex. en faisant une activité de livraison ou de take-away), ne saurait pas légitimement arrêter totalement le paiement des loyers, mais tout en plus négocier une diminution de celui-ci avec la bailleur.

De même, un locataire ayant commencé à accumuler des impayés de loyer et charges avant la/les fermeture(s) obligatoire(s) verra quand-même prononcer la résiliation du contrat de bail à son égard.    

LAW CAIRN – Girault & Godart

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