Attention aux transactions employeurs/salariés après licenciement: nullité prononcée par le Tribunal s’il estime que la contrepartie ne constitue pas une concession de la part de l’employeur.

Un arrêt de la Cour d’appel d’avril 2020 (n°CAL-2019-00034 du rôle) a prononcé la nullité d’une transaction signée entre un employeur et un salarié immédiatement après le licenciement avec préavis au motif que la transaction ne respectait pas les termes de l’article 2044 du Code civil « en raison du défaut de cause ».

Le Tribunal du travail soulevait, en première instance, qu’une des parties co-contractantes à la transaction, en l’espèce la société employeuse, n’avait fait « aucune espèce de sacrifice » alors que « la réciprocité des concessions représente un élément fondamental de la qualification de la transaction ».

En effet, l’article 2044 du Code civil est rédigé en ces termes : « La transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître.

Ce contrat doit être rédigé par écrit. »

La validité de toute transaction est conditionnée à l’existence de concessions réciproques dans le chef de chacune des parties.

En l’espèce, un salarié avait été licencié avec préavis assorti directement dans la lettre de licenciement d’une dispense de travail.

Dans la foulée de la remise en mains propres de la lettre de licenciement avec préavis au salarié, les parties avaient signé une transaction prévoyant la renonciation pour l’employeur de procéder à un licenciement avec effet immédiat du chef des fautes reprochées et acceptation de sa part d’ accorder au salarié une dispense de travail pour la période de préavis.

Changeant d’avis par rapport à ce licenciement, le salarié a demandé les motifs qui lui furent communiqués dans le délai légal d’un mois par l’employeur.

Bien que reconnaissant les reproches formulés à son encontre, le salarié a, par la suite, estimé ceux-ci insuffisants pour justifier un licenciement avec préavis qu’il considérait alors abusif et a réclamé des dommages et intérêts.

Dans le cadre de la procédure, fort de la transaction, l’employeur s’est défendu en invoquant l’exception de transaction, alors qu’en effet « aux termes de l’article 2052 du Code civil, une transaction a, entre les parties, l’autorité de la chose jugée en dernier ressort et ne peut être attaquée pour cause d’erreur de droit, ni pour cause de lésion ».

Une transaction acquiert, lors de sa signature par les parties, l’autorité de chose jugée et fait obstacle à toute demande en justice à laquelle les parties ont déclaré renoncer.

Les juridictions de travail, tant en première instance qu’en instance d’appel, ont estimé que la transaction était à annuler pour défaut de cause.

En effet, en l’espèce, l’employeur avait licencié le salarié avec préavis dans un premier temps et avait, dès la lettre de licenciement, dispensé ce dernier de prester.

Lorsque quelques minutes plus tard, il signe une transaction avec la salarié (forcément quelque peu sous pression, au moins psychologique), l’employeur invoque, comme contrepartie à la transaction, le fait de ne pas avoir procédé à un licenciement avec effet immédiat tel qu’il aurait, selon lui, pu le faire en raison des fautes reprochées au salarié et le fait d’avoir dispensé le salarié de travailler pendant le préavis.

Or, l’employeur, dans la transaction, ne peut plus juridiquement renoncer au licenciement avec effet immédiat puisqu’il avait notamment choisi de licencier le salarié avec préavis. Il s’est donc privé de tout droit et toute possibilité de procéder à un licenciement avec effet immédiat.

De plus, dans la transaction, l’employeur a accordé au salarié une dispense de prester le préavis, dispense qui avait de toute façon déjà été accordée au salarié dans la lettre de licenciement avec préavis lui remis avant la signature de la transaction.

En conclusion, la transaction ne faisait que reprendre les termes d’une lettre de licenciement unilatérale accordant déjà les mêmes droits au salarié et qui ne pouvaient donc plus faire l’objet d’une transaction.

L’analyse des juridictions de travail aurait été différente si le contrat de travail n’avait pas déjà été résilié avec préavis, mais avait été résilié directement avec effet immédiat pour faute(s) grave(s).

Dans un tel cas, l’employeur aurait alors pu revenir dans le cadre d’une transaction sur cette sanction immédiate et accorder le paiement du préavis, sans contrepartie de travail presté.

Par contre, dans le cadre d’un licenciement prononcé avec préavis, il aurait alors fallu que l’employeur ne dispense pas le salarié de prester son préavis, dès la lettre de licenciement, pour pouvoir garder cette possibilité dans le cadre de pourparlers d’arrangement, tout en rappelant qu’il n’y a pas de transaction lorsqu’une partie abandonne ses droits pour une contrepartie si faible qu’elle est pratiquement inexistante (Cour d’appel, 26 mai 2011, n°36087 du rôle).

Le fait de signer immédiatement après le licenciement une transaction est encore une circonstance qui peut éventuellement fragiliser la transaction.

Peut-on dire que la transaction termine un litige et une contestation nés, lorsque le licenciement vient juste de se produire ?

On peut être tenté de faire l’analyse juridique tenant à dire que le litige n’est pas encore né à ce moment. La signature d’une transaction, au moins le lendemain de la remise de la lettre de licenciement, permet d’éviter le reproche émis souvent par le salarié à l’encontre de l’employeur, d’avoir été mis sous pression, et de ne pas avoir compris le sens et la portée de l’accord qu’il donnait en signant la transaction.

Dans cette affaire, les juridictions de travail ont finalement, après avoir déclaré la transaction nulle, qualifié le licenciement avec préavis abusif mais ont, en revanche, refusé l’allocation de tous dommages et intérêts au salarié, alors que ce dernier ne justifiait pas avoir entrepris des démarches nécessaires de recherches d’emploi, ce dès la début de son préavis qui était assorti de la dispense de travail, pour limiter son préjudice.

LAW CAIRN – Girault & Godart

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